L'organisation judiciaire EN France:

PRELIMINAIRE

Tout recours à Justice suppose en premier lieu de déterminer la juridiction à laquelle il convient de s’adresser.

La nécessaire division du travail judiciaire entre plusieurs Tribunaux et Cours suppose d’abord que soit définie la compétence de chaque juridiction pour connaître de tel ou tel litige.

Avant d’aborder la détermination des règles de compétence au sein de l’ordre judiciaire, il convient de procéder à un bref rappel quant au dualisme de l’organisation juridictionnelle.

Le principe fondamental de séparation des Autorités administratives et judiciaires conduit à l’existence de deux ordres de juridiction :

  1. les juridictions de l’ordre administratif,
  2. les juridictions de l’ordre judiciaire.

Cf. : loi des 16-24 août 1790 interdisant au juge judiciaire de « troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni de citer devant eux les administrateurs en raison de leur fonction ».

A appliquer strictement ce principe, l’Administration échapperait à tout contrôle juridictionnel.

Pour solutionner les différends opposant Administration et administrés, trois possibilités sont envisageables :

  1. en référer à l’auteur de la décision : recours gracieux
  2. en référer au supérieur hiérarchique : recours hiérarchique
  3. en référer à une juridiction administrative : recours contentieux devant le T.A.

 Les deux premières possibilités qui existent encore à ce jour ne sont pas des plus satisfaisantes puisque l’Administration est à la fois juge et partie.

La loi du 24 mai 1872 marque le tournant vers un contrôle juridictionnel. La Justice n’est plus une « justice retenue » (entre les mains du souverain), mais une « justice déléguée » (déléguée par le souverain au Conseil d’Etat).

A partir de là sont apparues les premières juridictions administratives ; l’Administration avait trouvé un juge qui lui est propre.

La conséquence en est la dualité des ordres de juridiction.

La première démarche lorsque l’on cherche la juridiction matériellement compétente en raison de l’affaire est donc de choisir entre les deux ordres de juridiction et, en conséquence, de déterminer les litiges relevant de la juridiction administrative.

En schématisant :  Relèvent des juridictions administratives les litiges impliquant l’Administration et conduisant à l’application des règles de droit public.

Exemples :

  1. Plan Local d’Urbanisme : En cas de classement d’un terrain en zone non constructible, alors que le propriétaire considère que ce terrain devait figurer en zone constructible, il lui appartient de faire un recours pour excès de pouvoir contre la décision arrêtant le plan. Dans ce type de litige, on appliquera le Code de l’Urbanisme.Il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir car c’est l’acte comportement décision de classement qui est attaqué.
  2. En cas de faute du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg (il s’agit d’un établissement public), le recours en indemnisation relève du Tribunal Administratif.Il s’agit cette fois d’un recours de plein contentieux par opposition à l’hypothèse précédente, dans la mesure où ce n’est pas un acte juridique qui est attaqué, mais un comportement qui est critiqué et qui doit donner lieu à réparation du préjudice subi. Il convient néanmoins de lier le contentieux par une demande préalable donnant lieu à décision explicite ou implicite.
  3. Le refus d’accorder le concours de la Force Publique pour exécuter une décision de Justice (décision d’expulsion d’un locataire suite à résiliation du bail) est susceptible d’entraîner la responsabilité de l’Etat et de donner lieu à un recours en indemnisation. Ce recours sera formé devant le Tribunal Administratif.

La dualité de juridiction pose le problème de répartition des compétences entre ordre judiciaire et ordre administratif, dès lors qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer la juridiction compétente. C’est pourquoi, pour trancher un éventuel conflit de compétence, il existe une juridiction particulière, le Tribunal des Conflits (composition : trois conseillers à la Cour de Cassation, trois conseillers d’Etat, deux membres désignés par chacun des précédents. Cette juridiction est présidée par le Ministre de la Justice).

Son rôle n’est pas de juger, mais simplement d’indiquer quelle juridiction va juger le procès.

Exemple : Imaginons un problème de responsabilité médicale alors que dans l’appréciation de la qualité des soins dispensés et de leurs conséquences sont en cause le médecin de garde, professionnel libéral qui, appelé au chevet du patient,  le dirige vers la Clinique Bethesda (établissement privé). Le patient est pris en charge au sein de cet établissement (peut-être avec quelques erreurs …). Son état se dégradant, on le transfère aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Hôpital de Hautepierre (établissement public).

Quelle juridiction va alors connaître du problème, dès lors que tant des personnes privées que des personnes de droit public sont mises en cause ?

Voilà une hypothèse où le Tribunal des Conflits a été amené à se prononcer.

Tant que l’on se trouve au stade du simple référé-expertise, le patient a le choix entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, lesquelles pourront rendre des ordonnances désignant expert, y compris contre des personnes de droit public ou des personnes de droit privé.

En revanche, lorsque l’on se trouvera au niveau du fond (la demande en indemnisation en fonction des résultats de l’expertise) les Hôpitaux Universitaires, par exemple, ne pourront pas être jugés par la juridiction judiciaire.

Il faudrait donc mener deux procès en parallèle … ce qui n’est pas évident.

Voilà une hypothèse dans laquelle le Tribunal des conflits a donné des indications quant à la bonne pratique procédurale ; à savoir compétence indifférente au stade de l’expertise mais respect de la compétence selon la qualité lorsque l’on sera au fond.

Actuellement, ses interventions sont de plus en plus rares dans la mesure où les règles de répartition des compétences entre les deux ordres sont désormais assez clairement fixées.

Dans l’ordre judiciaire (c’est l’objet du propos) il convient désormais de définir l’aptitude de chaque juridiction à juger de tel ou tel litige. Cette aptitude se détermine :

  1. en fonction de la matière à juger : quel est l’objet du litige ? C’est la compétence d’attribution ou compétence matérielle.
  2. en fonction du lieu de rattachement du litige sur le territoire. C’est la compétence territoriale.

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