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En matière d’organisation judiciaire, il convient de distinguer :
Les juridictions à compétence spéciale ou particulière sont celles auxquelles le Code de l’Organisation Judiciaire donne compétence pour connaître de telle ou telle matière spécifique. A défaut, la juridiction de droit commun compétente est le Tribunal de Grande Instance.
Différents critères permettent de déterminer la compétence matérielle d’une juridiction.
Le critère principal est la nature du litige mais, à côté, la compétence peut être fixée en fonction de l’importance des intérêts en jeu, c’est-à-dire de la valeur du litige. C’est là le même critère de détermination de la compétence, si ce n’est le plus simple du moins le 1er auquel il convient de s’attacher.
C’est le taux de compétence qui va déterminer la juridiction appelée à connaître du litige en fonction de la valeur de la demande.
Ne pas oublier : La valeur de la demande comme critère de répartition ne sert qu’à départager les compétences générales des Tribunaux de Grande Instance et d’Instance et ne joue pas quand un Tribunal a compétence spéciale ou exclusive relativement à la nature de l’affaire car là il est compétent quel que soit le montant de la demande.
Bref rappel : La loi du 9 septembre 2002, d’orientation et de programmation pour la Justice, a créé un nouveau Juge.
Elle institue dans le ressort de chaque Cour d’Appel des juridictions de première instance dénommées « juridictions de proximité » auxquelles elle transfère une part limitée des compétences dévolues jusqu’alors aux Tribunaux d’Instance et de Police.
La loi du 27 février 2003 organise la mise en place de ces juridictions de proximité.
On en retiendra notamment que peuvent être nommés juges de proximité les anciens magistrats, les personnes âgées de 35 ans au moins que leur compétence et leur expérience qualifie pour exercer ces fonctions ; de même, les personnes justifiant de 25 années au moins d’activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d’encadrement dans le domaine juridique, des anciens fonctionnaires du service judiciaire, les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans, …
« indication donnée sous réserve d’une 2ème réforme sans intérêt ».
La loi du 28 janvier 2005 a considérablement étendu les attributions des juges de proximité et ce alors même que devant certaines juridictions ils n’ont même pas été mis en place (leur fonction est dévolue, dans cette hypothèse, au juge d’instance).
Alors que jadis le Tribunal d’Instance était considéré comme le Juge des « petits litiges », cette fonction de règlement des prétendus petits litiges est désormais dévolue au Juge de Proximité compétent pour régler les litiges de la vie quotidienne.
Désormais, ces juges sont compétents pour tout conflit d’un montant jusqu’à 4 000 €.
Il convient d’observer qu’il s’agit d’une décision en dernier ressort, c’est-à-dire sans qu’il soit possible d’exercer la voie de l’appel.
Leur compétence est en définitive encore plus étendue puisque ces juges connaissent aussi, à charge d’appel, des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 4 000 €. (art. L 231-3 du C.O.J).
Illustration : Ce sera par exemple le cas d’une demande en résolution d’un contrat (demande indéterminée), mais dont les conséquences immédiates seront par exemple de 2 000 € en exécution du dit contrat.
On considérera donc la valeur en litige immédiate sans s’attacher à toutes les conséquences subséquentes éventuelles.
Jadis juge ordinaire des dits « petits litiges » il devient désormais une juridiction intermédiaire.
Il connaît en matière civile de toutes les actions personnelles et mobilières en dernier ressort (c’est-à-dire sans appel possible) jusqu’à 4 000 € et à charge d’appel jusqu’à 10 000 €.
Pourquoi parler du Tribunal d’Instance jusqu’à 4 000 € alors que nous avons vu auparavant que jusqu’à cette valeur en litige c’est le Juge de Proximité qui est compétent ? Tout simplement parce que nous verrons qu’il existe des matières où le Tribunal d’Instance a une compétence exclusive quelle que soit la valeur en litige.
Exemples:
Attention :Cette compétence tenant à la valeur en litige suppose, on le rappelle, de ne pas se heurter à la compétence exclusive d’une autre juridiction.
Exemple : Un litige opposant deux commerçants relèvera en Vieille France du Tribunal de Commerce, quelle que soit la valeur en litige, c’est-à-dire même en-dessous de 10 000 €. Tel n’est pas le cas dans les trois départements d’Alsace-Moselle où les affaires commerciales relèvent soit de la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance si la valeur en litige est supérieure à 10 000 €, soit du Tribunal d’Instance pour une valeur en litige inférieure.
La limitation de compétence tenant à la valeur en litige ne joue pas lorsque le Tribunal d’Instance a une compétence spéciale ou exclusive relativement à la nature de l’affaire. Là, il est compétent quel que soit le montant de la demande (cf. infra).
Exemple : crédit mobilier à la consommation.
Lorsque le Juge d’Instance statue par ordonnance d’injonction de payer, il n’y a pas de limite du taux de compétence, du moins tant qu’il n’y a pas d’opposition (ainsi rien n’empêche de demander au Juge d’Instance une injonction de payer pour 20.000 €)
Il conviendra néanmoins de tenir compte de la compétence du Juge de Proximité puisque, jusqu’à 4 000 €, c’est lui qui devra délivrer les ordonnances d’injonction de payer. Explication sur la procédure d’injonction de payer.
Le T.G.I. étant juridiction de droit commun a compétence de principe pour connaître de toutes les affaires pour lesquelles la compétence n’est pas expressément attribuée à une autre juridiction, en raison de la nature de l’affaire ou du montant de la demande.
Il est compétent en matière civile pour statuer sur toutes les demandes, dès lors que la valeur en litige est supérieure à 10 000 € puisque telle est désormais la limite de compétence du Tribunal d’Instance.
Que de chemin parcouru depuis l’époque pas si lointaine mais qui finalement s’éloigne où la limite de compétence du Tribunal d’Instance était de 30 000 F !
Réflexion : Ce qui était beaucoup devient peu. Mais c’est néanmoins beaucoup. Il faut relativiser et ne pas mépriser les « petites valeurs en litiges ». Certains peuvent en voir leur vie détruite.
C’est le montant de la demande tel qu’il apparaît dans le dispositif, le « Par ces Motifs » de la demande ou de l’assignation et éventuellement dans les conclusions postérieures qui peuvent le modifier.
Ce montant s’apprécie en principal, c’est-à-dire qu’il comprend le capital, les fruits et intérêts dus au jour de la demande. En revanche, les fruits et intérêts échus depuis en sont exclus, de même que la demande au titre de l’art. 700 C.P.C. (c’est-à-dire la demande portant sur la condamnation de l’adversaire à contribuer aux honoraires de l’avocat).
Le montant d’une clause pénale fait en revanche partie du principal.
Première hypothèse : Aucune difficulté lorsque le demandeur présente une seule demande contre un seul défendeur. La valeur en litige s’apprécie d’après le montant de la demande figurant au dispositif de l’assignation ou dans les conclusions ultérieures.
Deuxième hypothèse : Un demandeur formule à l’encontre du défendeur plusieurs prétentions fondées sur des faits différents tout en les réunissant dans une même instance. Là, la compétence et le taux de ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément (art. 35 C.P.C.). C’est la règle de l’indépendance des demandes.
Conséquence : Le juge saisi peut être incompétent en fonction du taux de compétence pour statuer sur certaines demandes et non sur d’autres, il peut statuer en premier ressort sur certaines prétentions et en dernier ressort sur celles inférieures au taux de ressort, bien qu’il s’agisse de la même instance.
Exemple : Une partie sollicite remboursement d’un prêt de 8 000 € et indemnisation d’un préjudice de 3 000 €. Les deux demandes étant indépendantes, le Tribunal d’Instance sera compétent pour connaître des deux chefs de demande, dans le premier cas à charge d’appel et dans le second en dernier ressort.
A moduler selon les hypothèses. Etudier l’art. 35 CPC.
Troisième hypothèse : Dès lors que les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux de ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.
Le problème est de déterminer ce que sont des prétentions connexes.
En schématisant, c’est le lien ou le rapport entre plusieurs prétentions qui se complètent ou ont entre elles un rapport de cause à effet. C’est ce qui rend souhaitable de les juger ensemble et justifie qu’elles soient ajoutées les unes aux autres comme formant une demande globale pour apprécier la valeur du litige.
Exemple : Action en réparation de malfaçons dans le cadre d’un contrat d’entreprise et dommages-intérêts pour préjudice causé pour trouble de jouissance (histoire de l’aménagement d’une salle de bains).
Différentes combinaisons sont possibles, comme plusieurs demandeurs contre un seul défendeur, un demandeur contre plusieurs défendeurs ou plusieurs demandeurs contre plusieurs défendeurs.
Pour déterminer la valeur en litige, il faut voir s’il existe ou non un « titre commun ».
Première hypothèse : Absence de titre commun
Exemple : Plusieurs consommateurs agissent ensemble contre un même professionnel en vertu de contrats identiques, mais distincts. Là, les prétentions de chaque demandeur sont indépendantes des autres et le taux de compétence s’apprécie à l’égard de chaque demandeur par la valeur de ses prétentions.
Deuxième hypothèse : Prétentions fondées sur un titre commun
Là, les prétentions ne s’ajoutent pas comme dans l’hypothèse des demandes connexes émises par un même demandeur. La compétence et le taux de ressort sont déterminés pour l’ensemble des prétentions par la plus élevée d’entre elles.
L’acte constituant la source du droit doit être unique.
Exemple : Contrat de location de vacances en résidence hôtelière pour un groupe d’amis.
Si, bien souvent, le défendeur se limite à s’opposer à la demande principale, il arrive qu’il forme lui-même à l’encontre du demandeur, une demande appelée demande reconventionnelle.
Exemple : M. X agit devant le Tribunal d’Instance contre l’entreprise Y en réparation des malfaçons causées par les travaux, malfaçons évaluées à 6 000 €. Compte-tenu des impayés sur factures, l’entreprise Y se porte demanderesse reconventionnelle pour 11 000 €.
La demande reconventionnelle incidente est donc supérieure au taux de compétence du Tribunal d’Instance.
Si une partie soulève l’incompétence, le juge dispose de l’option suivante :
Ainsi, le Tribunal d’Instance ne peut jamais connaître de la demande incidente excédant son taux de compétence, dès lors qu’une partie soulève l’incompétence.
Il existe cependant une exception quand la demande reconventionnelle en dommages-intérêts est fondée exclusivement sur la demande initiale. Là, le juge en connaît quel qu’en soit le montant (art. 38 C.P.C.).
Exemple : Demande reconventionnelle en dommages-intérêts à hauteur de 12.000 € pour procédure abusive.
Il convient de distinguer entre:
- les juridictions de droit commun,
- les juridictions d'exception.
Les juridictions de droit commun ont une compétence générale de principe tandis que les juridictions d'exception ont une compétence spéciale définie par des textes.
Le Tribunal de Grande Instance est doté d'une compétence générale (A), mais différents textes lui donnent une compétence particulière pour connaître de différentes catégories de litiges (B).
Au sein du Tribunal de Grande Instance, son Président a une compétence spécifique (C).
Il convient également de laisser une place au Juge Unique (D).
IIl s’agit d’une juridiction de droit commun, c’est-à-dire qu’elle a compétence de principe pour connaître de toutes les affaires pour lesquelles la compétence n’est pas expressément attribuée à une autre juridiction, en raison de la nature de l’affaire ou du montant de la demande.
Il est compétent en matière civile pour statuer sur toutes les demandes, dès lors que la valeur en litige est supérieure à 10 000 € puisque c’est désormais là la limite de compétence du Tribunal d’Instance.
Il s’agit des hypothèses où les textes donnent au Tribunal de Grande Instance compétence, quelle que soit la valeur en litige.
Au sein du Tribunal de Grande Instance son Président a une compétence propre, c'est-à-dire qu'il possède des attributions n'appartenant qu'à lui ou au juge qu'il délègue.
Cette compétence est soit provisoire (1), soit définitive (2).
Dans ce cadre le Président du T.G.I. statue de manière définitive au fond, comme peut le faire un Tribunal.
Tel est le cas dans ses fonctions de :
Si en principe le Tribunal de Grande Instance statue en formation collégiale ou pour le moins à juge rapporteur, il est de plus en plus d'usage pour faire face au manque de magistrats que le Tribunal de Grande Instance statue à juge unique.
Indépendamment des hypothèses où le Tribunal de Grande Instance statue à juge unique, la loi a institué des juges uniques spécialisés au sein du Tribunal de Grande Instance, chargés de connaître d'un contentieux ou d'une mission particuliers :
cf. infra
Sa compétence comprend presque tout le contentieux familial (contribution aux charges du mariage, divorce, changement de prénom, etc.).
Celui-ci a une double compétence :
Ce qui les caractérise est que leur compétence matérielle ne peut résulter que d'un texte spécial.
Rappeler que ce Tribunal a d’abord une compétence générale en matière civile pour
toutes les actions personnelles et mobilières, en dernier ressort jusqu’à 4 000 € et à charge d’appel jusqu’à 10 000 € inclus.
Le Tribunal d’Instance dispose par ailleurs d’une compétence spéciale.
Il s’agit des domaines dans lesquels il est compétent, quelle que soit la valeur en litige.
Exemples :
Observation : Il s’agit simplement là de quelques exemples, la compétence du Tribunal d’Instance étant extrêmement variée.
Ne pas oublier : Le juge d’instance peut être juge des référés dans les mêmes circonstances que le Président du T.G.I., mais dans les limites de sa compétence.
De même, le juge d’instance peut prendre des ordonnances sur requête dans les cas spécifiés par la loi (Exemples : apposition et levée de scellés en matière de succession ; délivrance d’ordonnances d’injonction de payer).
Il est compétent pour tout ce qui relève des actes de commerce (litiges entre commerçants
pour faits de commerce, litiges entre associés de sociétés commerciales, ...), que ce soit en matière d’acte de commerce par nature ou par la forme.
Il connaît également des problèmes de défaillance financière des entreprises (redressement et liquidation judiciaire).
Il s’agit d’une juridiction consulaire composée de commerçants élus.
N.B. : Il n’existe pas de tribunaux de commerce dans nos trois départements. Les matières relevant habituellement de la compétence du Tribunal de Commerce relèvent, en Alsace-Moselle, de la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance. Il s’agit d’une juridiction composée d’un juge professionnel et de deux assesseurs, commerçants élus (système de l’échevinage).
Art. L 511-1 du Code du Travail : Le visa du texte est certes – peut-être à revoir – depuis la codification du Code du Travail dont pour l’instant je ne veux pas entendre parler.
« Les Conseils de Prud’Hommes, juridictions électives et paritaires, règlent par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent Code entre employeurs ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient. Ils jugent les différends à l’égard desquels la conciliation n’a pas abouti. »
N.B. : Ceci quel que soit le chiffre de la demande.
La condition de la compétence du Conseil de Prud’Hommes est l’existence d’un contrat de travail (prestation de travail, rémunération en contrepartie et lien de subordination).
La procédure devant le Conseil de Prud’Hommes se déroule en principe (il y a toujours des exceptions) en deux phases :
Cette juridiction est également composée de représentants élus des employeurs et des salariés.
Ne pas oublier qu’en cas de partage des voix en cours de délibéré, il est alors fait appel au juge d’instance pour procéder au « départage ». L’affaire est alors une nouvelle fois plaidée devant le Conseil en formation de départage.
Il en existe un auprès de chaque Tribunal d'instance dont la compétence est de régler les litiges entre bailleurs et preneurs de baux ruraux.
Il est présidé par le Juge d'Instance et comprend des représentants des bailleurs et des preneurs.
Sa compétence est de régler les litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale (classiquement, les litiges opposant les assurés aux caisses), après recours amiable devant la Commission de Recours Amiable.
Il est présidé par le Président du Tribunal de Grande Instance (en fait, un juge délégué par celui-ci) et comprend un représentant des salariés et un représentant des employeurs.
Une variante : Le Tribunal du Contentieux de l'Incapacité qui a pour mission de juger les contestations quant au degré d'invalidité par exemple.
En résumé, il est chargé de tout le contentieux relevant de la technique médicale.
Ce juge est désigné par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel.
Son rôle est de rendre l'Ordonnance d'expropriation et de procéder à la fixation du montant des indemnités d'expropriation
OBSERVATION FINALE : Ces juridictions sont composées de Juges professionnels ou élus (Juridictions Consulaires ou Prud’homales, TASS, avec échevinage ou non) assistés de greffiers et devant lesquels les justiciables sont assistés ou représentés par des auxiliaires de Justice tels les avocats, voire même peuvent se présenter seuls (tel est notamment le cas devant le Conseil de Prud’Hommes ou le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale).
La nuance entre assistance et représentation est importante (cf. infra).
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