La preuve des droits subjectifs:

Les procédés de preuve

Les procédés de preuve se subdivisent en deux catégories à savoir:

A. Les procédés de preuve parfaits

1. Les écrits ou preuves littérales

La preuve littérale est celle qui résulte d'écrits émanant des parties destinées à servir la preuve.

a) Les actes authentiques

L'acte authentique ou public est celui qui est reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter tant en considération du lieu que de la nature de l'acte et avec les formalités requises (art. 1317 du Code Civil).

Ces officiers publics sont :

Pour être authentique, un acte doit remplir trois conditions :

La force probante

Les actes authentiques sont dotés d'une force probante particulière que l'on définit en disant qu'ils font foi jusqu'à inscription de faux.

Celui qui est conteste l'exactitude ou la sincérité doit s'inscrire en faux au greffe du Tribunal et engager ainsi une procédure très complexe.

Cette force probante s'affirme à deux points de vue :

L'utilisation et la conservation des actes

Les actes authentiques spécialement les actes notariés présentent des garanties de conservation dont l'importance varie avec la forme dans laquelle ils sont établis.

Un acte rédigé en brevet est remis aux parties et son utilisation et sa conservation sont analogues à celle d'un acte privé.

C'est uniquement s'il est rédigé en minute que l'acte reste dans l'étude du notaire rédacteur qui ne doit pas en principe s'en dessaisir.

La minute comporte la délivrance de plusieurs sortes de copies qui sont la copie exécutoire qui est munie de la formule exécutoire et les simples expéditions qui sont dépourvues de toute force exécutoire.

Toutes ces copies font foi, mais uniquement à titre provisoire dans la mesure où elles ne sont pas contredites par l'original.

Ce n'est que lorsque l'original n'existe plus que la copie exécutoire est dans certains cas précisé à l'art. 1335 alinéa 2 du Code Civil que les expéditions ont la même foi que celui-ci.

b) Les actes privés

Les actes privés se divisent en deux catégories à savoir les actes sous seing privé, et les écrits spéciaux.

L'acte privé est celui qui a été rédigé par des particuliers soit par les parties elles-mêmes, soit par un mandataire tel qu'un agent d'affaires.

Les actes sous seing privé :

ils tirent toute leur valeur de la signature des parties intéressées dont ils sont revêtus.

Les actes sous seing privé sauf le cas des exceptions énoncées dans les art. 1325 et 1326 du Code Civil et celles qui concernent le testament olographe, ne sont soumises à aucune formalité de rédaction.

L'emploi du papier timbré exigé dans le seul intérêt fiscal n'est pas non plus une condition de leur validité.

Une seule formalité est indispensable pour tous les écrits destinés à servir de preuve et notamment pour tous ceux qui sont rédigés à l'occasion de la signature des contrats, c'est la signature de l'auteur ou des auteurs de l'acte.

L'acte doit donc intervenir sous signature privée, c'est-à-dire sous seing privé.

La signature ne peut être remplacée par une croix ou des empreintes digitales.

La loi du 13/3/2000 a toutefois admis que la signature pouvait intervenir par procédé informatique.

Il convient de distinguer entre les actes qui relatent des conventions synallagmatiques et ceux qui constituent des engagements unilatéraux.

Au niveau de la force probante, il existe une infériorité manifeste par rapport aux actes authentiques, et ce au regard de l'origine, du contenu et de la date de l'acte.

L'acte sous seing privé doit être utilisé dans sa forme originale.

Une copie n'a aucune force probante puisque par hypothèse il y manque la signature des parties sans laquelle l'écrit perd toute son efficacité probatoire.

Si cette copie de l'acte était revêtu de la signature des parties, ce serait un autre original faisant foi dans les termes du droit commun.

C'est le cas des actes primordiaux c'est-à-dire des actes qui sont dressés au moment même de la passation de l'acte juridique pour le constater, mais qui sont de véritables originaux.

L'acte récognitif est dressé soit pour remplacer le titre primordial qui aurait été perdu, soit pour interrompre la prescription au moyen de la reconnaissance du droit du créancier ou du propriétaire (art. 1337 du Code Civil).

L'acte sous seing privé est exposé à des risques de disparition, de destruction, ce qui peut mettre le titulaire du droit dans l'impossibilité d'en établir l'existence.

Les écrits spéciaux

Certains écrits signés ou non signés peuvent parfois être invoqués comme preuve bien qu'ils n'aient pas forcément été établis à cette fin.

Il s'agit notamment des lettres missives, des registres et papiers domestiques, d'écritures mises sur un titre ou une quittance, et des livres de commerce.

2. Certaines déclarations des parties

L'aveu

L'aveu consiste de la part de celui contre lequel on allègue un fait, à en reconnaître l'exactitude.

Il ne peut porter que sur une question de fait et non sur une question de droit, l'existence ou le sens d'une règle juridique ne pouvant dépendre de l'aveu d'une partie.

Acte unilatéral, l'aveu produit effet indépendamment de toute acceptation de la partie adverse et il n'est pas nécessaire qu'il ait été fait dans la pensée qu'il pourra servir de preuve.

Il vaut, dès lors qu'il émane d'une volonté consciente et non viciée.

De toutes les preuves, c'est celle qui paraît à première vue les plus convaincantes.

Cependant l'aveu peut être contraire à la réalité des faits et la loi n'attache pas toujours une force probante absolue à ce genre de preuve.

Le serment

Il en existe deux formes : le serment décisoire et le serment supplétoire.

Seul le serment décisoire entre dans la catégorie des procédés de preuve parfait, et le second entre dans la catégorie des procédés de preuve imparfait.

Seul le serment décisoire sera donc analysé.

Le serment décisoire implique l'affirmation par une partie d'un fait qui lui est favorable.

En principe une telle affirmation est suspecte, et le Juge ne peut y ajouter foi.

Il en va autrement lorsqu'elle intervient sous une forme solennelle destinée autant que possible à éviter le mensonge.

Cette forme est celle du serment.

Le serment n'est qu'une promesse ou une affirmation solennelle faite en levant la main droit et en disant " Je le jure ".

Un faux serment est réprimé par le Code Pénal.

Les effets du serment décisoire sont particulièrement énergiques puisqu'il permet le gain du procès par celui qui a prêté serment.

La force probante du serment décisoire ne s'impose pas seulement au Juge, mais encore au plaideur qui a succombé.

Le caractère définitif de ce serment a pour conséquence de rendre irrecevable l'appel interjeté contre le jugement intervenu sur le fondement du serment.

La règle n'empêche toutefois pas le Ministère Public d'exercer des poursuites pénales contre l'auteur d'un faux serment.

B.- Les procédés de preuve imparfaits

1. La preuve testimoniale

La preuve testimoniale découle du témoignage qui est une déclaration faite par une personne sur des faits dont elle a eu connaissance par elle-même.

C'est cet élément de connaissance personnelle qui distingue la preuve testimoniale de la preuve par commune renommée.

Dans le cadre de cette dernière les personnes rapportent non plus ce qu'elles ont constaté elles-mêmes, mais ce qu'elles ont ouï dire à propos de tel ou tel fait.

Compte tenu de son caractère dangereux de par son imprécision, ce type de preuve n'est admis qu'à titre exceptionnel.

On considère comme témoignage véritable, le témoignage indirect c'est-à-dire celui par lequel le déclarant rapporte le récit qu'une personne déterminée a fait en sa présence.

Ce n'est que ce type de témoignage qui peut être discuté et contrôlé.

S'agissant de la force probante du témoignage, la loi s'est efforcée d'entourer cette preuve de certaines garanties en excluant par un système d'incapacité ou de reproche le témoignage de ceux dont l'impartialité est sujette à caution.

Ce système n'a toutefois pas conduit au maintien de l'ancienne règle latine " testis unus testis nulus ".

Un témoin unique n'est pas récusable et il appartiendra simplement au Juge d'être particulièrement prudent dans l'appréciation d'un tel témoignage.

De manière générale, le droit positif ne détermine pas d'avance la force probante de la preuve par témoin.

Le Juge émet une appréciation souveraine qui ne peut donner place au contrôle de la Cour de Cassation.

Dans tous les cas où la preuve testimoniale est déclarée admissible par la loi, les Juges peuvent ordonner une enquête d'office et en sens inverse repousser la demande d'enquête s'ils estiment que le témoignage offre des éléments de conviction suffisants.

2. La preuve par présomption ou indices

Selon l'art. 1349 du Code Civil " les présomptions sont des conséquences que la loi ou le Magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu ".

Ce sont donc des déductions effectuées par le législateur ou par le Juge.

Lorsqu'elles sont l'ouvre du Juge, on les qualifie de présomptions de fait ou de l'homme ou encore de présomptions simples.

Lorsqu'elles sont insérées dans un texte de loi, elles prennent le nom de présomptions légales.

Seules les présomptions de fait ou de l'homme constituent un mode de preuve.

Ces présomptions sont des instructions que le Juge fonde sur des indices ou circonstances quelconques qui lui sont signalées par les conclusions des parties.

A partir de la constatation de certains indices ou circonstances, on va présumer ou induire l'existence de faits qui ne sont pas directement établis.

Les indices ou circonstances dont le Juge peut tenir compte sont des plus variés ainsi qu'il résulte de l'art. 1353 du Code Civil.

La loi ne peut les énumérer dans leur intégralité.

L'art. 1353 du Code Civil précise que le Juge " ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes et dans le cas seulement ou la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ".

Littéralement ce texte paraîtrait impliquer la possibilité pour le Juge de ne recourir aux présomptions qu'autant qu'il y aurait pluralité d'indices si l'on considère qu'il y a une simple recommandation plutôt qu'une restriction.

Il n'est pas douteux qu'une simple présomption si elle est suffisamment grave pourra suffire à motiver une décision.

La détermination de la valeur probante des indices est une question de fait, le Juge du fond disposant dans ce domaine d'un pouvoir souverain d'appréciation.

L'art. 1353 du Code Civil précise que les présomptions sont admissibles " dans les cas seulement ou la loi admet la preuve testimoniale ".

En effet si dans un cas où la preuve testimoniale est écartée comme dangereuse, l'emploi des présomptions était admis, on pourrait redouter la subordination de témoins complaisants qui viendraient indiquer des faits pouvant servir d'indices et qui seraient inexacts.

3. Le serment supplétoire

Le serment décisoire et le serment supplétoire sont les deux formes de serment.

Seul le serment supplétoire entre dans la catégorie des procédés de preuve imparfaits.

S'agissant de la notion générale de serment, il conviendra de se reporter au procédé de preuve parfait concernant le serment décisoire.

Le serment supplétoire est celui que le Juge peut déférer d'office quand n'étant point convaincu par les preuves produites, il veut corroborer les conclusions ou en compenser l'insuffisance (art. 1366 du Code Civil).

L'art. 1367 indique que deux conditions sont nécessaires pour la délation de ce serment à savoir :

Le serment supplétoire sera déféré par le Juge à celle des parties en laquelle il aura le plus confiance.

En général il est cependant déféré à celle qui produit à l'appui de cette prétention un commencement de preuve par écrit.

L'autorité du serment supplétoire est loin d'égaler celle du serment décisoire puisque le serment supplétoire n'est qu'une mesure ordonnée par le Juge.

De plus le Juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire et il n'est jamais tenu de déférer ce serment même si les parties le demandent.

Le serment supplétoire ou le refus de le prêter ne font pas foi et ne lie pas le Juge. Celui-ci conserve toute faculté d'appréciation.

De même la partie à qui ferait tort le serment supplétoire prêté par l'adversaire, serait en droit d'en démontrer la fausseté.

Le serment sur la valeur de la chose demandée prévu par l'art. 1369 du Code Civil est un genre particulier de serment supplétoire.

Nous nous trouvons dans le cas oùle principe de la demande est fondé, mais où le montant de la condamnation à prononcer n'est pas déterminé et où le Juge n'a pas lui-même les moyens d'en fixer la valeur exacte.

La loi lui permet de faire déterminer sous serment le chiffre par le demandeur sauf à lui fixer un maximum.

Ce serment ne peut être déféré par celui auquel il a été déféré.

Il diffère sur deux points du serment supplétoire à savoir :

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